L’argile comme point d’appui: créer, ensemble, pour rester debout.
Dans un monde qui vacille, que peut une motte d’argile?
Parfois, tout commence par un geste simple : pétrir, façonner, recommencer. Autour d’une table, des mains de tous âges s’activent, silencieuses et concentrées. Ce n’est pas qu’un atelier de poterie. C’est un espace où l’on apprend à tenir, ensemble. Où l’on découvre que créer, c’est déjà résister.
J’ai récemment animé un atelier de poterie au Centre d’action bénévole de Saint-Hubert, pour un groupe intergénérationnel, dans le cadre d’une série sur la résilience. Ce mot, qu’on entend souvent, résonne particulièrement dans le contexte actuel. Entre l’incertitude économique et la fragilité sociale, il est facile de se sentir démuni. Pourtant, ce jour-là, autour de la table, les mains plongées dans l’argile, j’ai vu autre chose : un élan de résistance, une affirmation silencieuse mais puissante du droit à la beauté, à la création, au soin de soi et des autres.
Dans l’atelier, il y avait enfants et aînés, des gens qui ne se seraient peut-être jamais croisés autrement. Certains étaient timides face à la matière, d’autres plus confiants. Peu importe. Ce qui comptait, c’était le geste répété, le contact avec la terre, l’attention portée à chaque forme qui émergeait sous les doigts. Chacun façonnait plus qu’un simple objet : il (se) reconstruisait.
L’art, et la poterie en particulier, est un acte profondément humain. Modeler, réparer, recommencer, accepter l’imperfection, trouver du sens dans la lenteur du processus : tout cela est un apprentissage de la patience et de l’acceptation. Dans une société qui valorise la rapidité, la performance et l’accumulation, prendre le temps de créer devient un acte presque subversif.
Ce projet s’inscrivait aussi dans une perspective plus large : celle du refus de la misère. Car la pauvreté, matérielle ou affective, ce n’est pas seulement un manque de ressources. C’est aussi l’absence d’espaces où l’on peut s’exprimer, partager, se sentir légitime. En offrant un moment de création, on ouvre une brèche, une possibilité. L’art ne remplit pas un frigo, mais il nourrit autrement. Il rappelle à chacun sa valeur, son pouvoir d’agir, sa capacité à laisser une trace.
En quittant l’atelier ce jour-là, je me suis dit que ce n’était peut-être pas grand-chose, mais que c’était déjà beaucoup. Un espace, un instant, une rencontre. Une preuve que, même dans la tourmente, on peut toujours modeler quelque chose de beau.
J’y crois vraiment fort!
J.